14.7.1923-18.8.2022
Dans le silence d’un Foyer de personnes âgées, à Genève, Petite Sœur Marie-Catherine Theurillat s’est éteinte le 18 août dernier. Il sied de rendre hommage à cette jurassienne, pionnière au sein de sa Fraternité et de l’Eglise au monde. Il n’est pas facile de retracer en quelques lignes le chemin d’une longue vie.
Marie-Catherine a vu le jour le 14 juillet 1923 à Porrentruy, 6e de 9 enfants. En 1951, elle entre à la Fraternité des Petites Sœurs de Jésus, la première Petite Sœur suisse. Une Fraternité encore toute jeune, puisque fondée par Petite Sœur Magdeleine en 1939 et tout imprégnée du Père Charles de Foucaud, déclaré saint en cette année 2022. C’est la période mouvementée des fondations, où Petite Sœur Marie-Catherine ouvre des chemins. Très tôt, elle exprime le désir d’offrir sa vie pour les prisonnières et les victimes de la prostitution. Elle est ainsi chargée des démarches en vue de l’admission de Petites Sœurs à la prison de Bellechasse près de Fribourg. L’autorisation obtenue, elle répond : « J’y entre aujourd’hui ». A la fin de l’année 1951 débute son noviciat à Jérusalem, un cadeau. Elle le terminera à Lourdes. En 1953, la Fraternité commence à s’ouvrir au monde entier et s’ébauche un premier Conseil Général, dont elle fait partie, en assumant ce service jusqu’en 1970. En même temps, en 1953, Petite Sœur Marie-Catherine fonde la première fraternité en Suisse à Bienne, avec la complicité des Sœurs de Granchamp. Ensuite ce sera la fondation des fraternités du cirque et avec les forains.
De 1963 à 1976, elle assume aussi le service de Conseillère pour les Fraternités en milieux marginaux. Durant toutes ces années, elle est proche des Petites Sœurs vivant dans les milieux de la prison, de la prostitution et de la drogue et elle les soutient. Après avoir remis sa charge de Conseillère qui la faisait nomadiser pour connaître et soutenir les fraternités qui vivaient dans ces milieux marginalisés, elle vit des années difficiles. Ces perpétuels changements l’ont usée physiquement et nerveusement. Après un temps partagé entre la fraternité d’Einsiedeln et les fraternités insérées dans ces milieux difficiles, elle rejoint celle d’Aubonne en 1989. Les forces reviennent lentement avec l’aide discrète des Petites Sœurs de ce lieu.
En écho à son premier appel, elle se sent poussée à vivre la dernière étape de sa vie en Maison de retraite parmi les personnes âgées. Suit une longue période de discernement et de préparation jusqu’à son entrée dans un tel établissement, en septembre 1999. L’insertion dans son nouveau milieu est rapide et active : invitations entre voisines de l’étage, participation à la chorale de la Maison, excursions, partages d’Evangile œcuméniques. Les échanges avec la communauté des Petites Sœurs de Genève restent réguliers. Le déménagement dans une unité de soins marque le début d’une nouvelle étape. Elle devient dépendante, sa vue et son ouïe baissent. C’est une période difficile, mais les Petites Sœurs et le personnel l’entourent de leur mieux jusqu’à ce 18 août où Petite Sœur Marie-Catherine décède paisiblement. Elle entamait alors sa 100e année d’une vie impressionnante de modernité, de projets assumés, d’engagements, de chemins ouverts, d’amour pour les personnes marginalisées. Ceci bien dans la ligne des Petites Sœurs de Jésus.
Petite Sœur Marie-Catherine a été donc une proche de la fondatrice, Petite Sœur Magdeleine. Elle l’a beaucoup accompagnée dans ses nombreux voyages motivés par l’extension dans le monde des Fraternités de Petites Sœurs. Et elle s’est toujours beaucoup inspirée de sa fondatrice. En 2005, elle écrivait d’ailleurs :« Ce qui m’est apparu clairement, c’est la façon dont Ps Magdeleine se laissait guider par les événements, à travers les rencontres, les amitiés qu’elle entretenait fidèlement. Elle laissait toute liberté « au vent de l’esprit » de gonfler sa voile. Elle s’en remettait au Seigneur sans offrir de résistance en elle. »
Notre canton peut être fier de la trajectoire de vie de Petite Sœur Marie-Catherine, femme et jurassienne, et de son engagement exceptionnel et si discret que le Jura n’en a jamais pris conscience.